L’Acromphale

Quinze ans après une première monographie consacrée à Noëll, alias Lucienne Levy, la femme qui l’avait mis au monde, l’auteur amorce un tournant radical. Bien qu’il se fût montré maladivement secret chaque fois qu’il s’agissait de lever le voile sur ses propres travaux, il se sent soudainement assailli par le devoir de plaider pour la reconnaissance d’une mère qui a passé sa vie à s’autodénigrer, en quête d’approbation de la part d’un lointain patriarcat algérois ne concevant la bienveillance à l’égard des femmes qu’au prisme de la condescendance. L’œuvre, non contente d’avoir peuplé ses années de croissance, ne trouvera pas de meilleur scrutateur pour percer le mystère de sa structure interne. Bruno se sent prêt. Depuis quelque temps, des évidences non évidentes le talonnent. Une analogie entre les ciels injectés de sang de Normandie et les récifs corailleux de la baie d’Alger, et, sait-on jamais, une réconciliation possible des mémoires scellée sous l’onction d’un principe d’unitarité capable de transcender les multiples déchirures du réel. Le monde comme bombe à fragmentation donnant à voir le processus de recréation de l’Histoire ou la polyversalité des événements dont celle-ci se métisse. L’occasion pour le poète-soldat de fouiller dans sa propre biographie recoupant celle de son sujet, puis d’assumer, au passage, les patronymes indissociables d’une ascendance conflictuelle, et donc, réconciliable. Il fonde dans la foulée sa propre maison d’éditions, la seule possibilité qui s’offre à lui de retracer son propre parcours en sorte qu’il s’inscrive, à une place dont lui seul peut témoigner, dans l’histoire non linéaire des idées et des hommes.