L’Acromphale

​Nous nous sentions poussés en avant par quelque force à l’éthique douteuse. Il était de bon ton d’aborder le Bas Âge avec des faux airs de Supranation, un mythe antérofuturiste construit sur le principe de la terre-mère porteuse de Pax Mundis, que nous ne parvenions à appréhender qu’à travers le prisme internationaliste, qu’il se voulût glaçant ou tempéré, fanatique ou cynique, destitutionnel ou institutionnel. Qu’elle se révèle picrocholine ou grangousière, la guerre est notre mal commun. Une vaste plaisanterie virant au mélodrame.

« Et maintenant, soyez tous morts de rire ! » De derrière son écran de fumée, l’instituteur des foules articule bien l’appel à la métarévolte. Un nid de guêpes vertes par-ci, une colonie de fourmis rouges par-là. Dieu merci, nous ne sommes pas tous des sujets réceptifs à l’hypnose. Les saigneurs féodaux que sont les fers de lance de la mondialisation eurent probablement raison de houspiller une classe moyenne que la fin de l’Histoire condamnait à un lent et fatal déclassement. Ils seraient avisés de prendre un peu plus au sérieux un principe intangible qui veut que les révolutions soient fomentées par l’élite des professions intermédiaires, là où, étant amenés à se croiser, les rouages d’un appareil étatique à haute tension risquent à tout moment d’avoir les fils qui se touchent. L’Europe est un chevalier errant le long d’une voie ferrée de bonnes intentions, d’une falaise brutaliste à laquelle l’océan ébranlé revient mordre le pied, d’une tranchée gluante que surnagent les reliques d’un martyre inconnu. Un exilé que rien n’arrête. Ses forces éconductrices n’y couperont pas. Elles ne résisteront pas au souffle d’une civilisation où le mouvement dialectique du surplomb et de la spécialisation n’est plus envisagé comme un jeu à somme nulle.